Par la présente nous nous permettons de Vous exposer quelques réflexions concernant la fête nationale au Luxembourg, et en particulier concernant le fait que l’acte officiel de cette fête – à savoir le Te Deum dans la cathédrale de Luxembourg – a actuellement une connotation fortement religieuse.

Nous vous avions déjà envoyé une lettre analogue en date du 22 mai 2012, lettre qui est néanmoins restée sans réponse. Nous sommes affligés, tout comme nos membres, de voir le peu d’intérêt que Vous accordez aux personnes athées, humanistes et agnostiques qui, nous tenons à vous le rappeler, font partie intégrante de la société luxembourgeoise. Cette attitude nous semble non seulement préjudiciable à la fonction intrinsèque du Chef de l’Etat, mais ne correspond par ailleurs nullement à faire prospérer une société moderne, tolérante et respectueuse de toutes les orientations philosophiques présentes.

Dans le même ordre d’idées, nous avons été sollicités voire interpellés par de nombreuses personnes qui n’ont pas apprécié les vœux que Vous avez apportés au nouveau pape catholique François 1 er , au nom de toute la population luxembourgeoise, alors qu’une partie grandissante, voire majoritaire de la population considère l’Eglise catholique et ses institutions comme non démocratiques et souhaite clairement la séparation claire entre Etat et églises. Ce constat n’enlève bien évidemment en rien Votre liberté individuelle d’exprimer Vos félicitations en Votre nom propre.

Afin de revenir au sujet central de la présente, nous voyons, en tant que Conseil d’administration de AHA, la fête nationale comme un événement important dans le calendrier luxembourgeois, qui devrait à notre avis être conçu de sorte à ce qu’il puisse être célébré par tous les citoyens luxembourgeois respectivement par tous les gens vivant au Luxembourg, indépendamment de leurs vues religieuses ou conceptions philosophiques, de manière à entraver toute discrimination idéologique éventuelle.

Cette idée devrait particulièrement s’appliquer à l’acte officiel de la fête nationale. Or, force est de constater que l’acte officiel consiste dans la célébration du Te Deum qui se déroule au sein de la cathédrale de Luxembourg et qui est donc manifestement entaché par une connotation fortement religieuse, et en particulier catholique en dépit de la présence de chefs religieux d’autres confessions.

Néanmoins, l’étude CEPS/Instead publiée en février 2011 a montré, p.ex., que 53% des personnes au Luxembourg ne pratiquent pas de religion, et seulement une minorité, en l’occurrence 28%, ont indiqué qu’ils croient encore en un dieu personnel tel que propagé par les trois grandes religions monothéistes. Depuis février 2009, au moins 4200 personnes ont déclaré officiellement leur souhait d’être rayées du registre des baptêmes de l’église catholique. Vu ces développements, il semble fort probable qu’une grande partie des citoyens de notre pays ne puissent plus s’identifier avec le Te Deum .

Nous supposons que c’est à cause de cette problématique que la Chambre des députés a voté, en date du 7 juin 2011, une motion qui invite notamment le gouvernement « à réfléchir sur une réorganisation des manifestations pour la célébration de la fête nationale ». Néanmoins, depuis, c’est le silence absolu qui règne dans ce domaine.

A notre avis, l’acte officiel devrait être célébré dans un cadre qui ne fait pas référence aux croyances religieuses des citoyens. On pourrait imaginer plusieurs alternatives, dont, à titre d’exemple, les suivantes :

  • L’acte officiel pourrait se dérouler dans la Chambre des députés en tant que siège des représentants du peuple. Cette option aurait néanmoins le grand désavantage qu’elle ne permettrait pas la participation du public.
  • Une autre option serait de célébrer l’acte officiel dans un endroit qui permettrait l’accès du public, p.ex. au Grand Théâtre de Luxembourg, ou un autre endroit approprié à caractère non religieux .

Nous aimerions également préciser que, selon les principes de la liberté d’opinion et d’expression dans notre pays, les communautés religieuses sont bien sûr libres d’organiser des cérémonies en relation avec la fête nationale, séparément ou conjointement, selon leurs propres idées et aspirations. L’aspect qui importe à notre association est que l’acte officiel de la fête nationale ne devrait pas faire partie intégrante de telles cérémonies.

C’est pour les raisons exposées ci-dessus que nous Vous saurions gré de bien vouloir considérer, en Votre fonction de Chef de l’Etat, Vos options pour mettre en œuvre au Luxembourg un acte officiel de la fête nationale qui n’aura plus de connotation religieuse et de ce fait, ne donnerait à aucun citoyen l’idée de se sentir écarté de cette fête pour des raisons de ses vues philosophiques.

 

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