Objet : Lettre ouverte relative à l’organisation d’un workshop intitulé « Les conséquences de la déchristianisation pour la société européenne » par la Konrad Adenauer Stiftung en collaboration avec l’Archidiocèse du Luxembourg et l’Université du Luxembourg

Monsieur le Recteur,

En tant qu’association regroupant les personnes athées, humanistes et agnostiques sur le territoire du Luxembourg, AHA Lëtzebuerg suit évidemment de très près tous les événements sociétaux touchant entre autres de près ou de loin les aspects religieux dans notre pays. L’organisation du colloque sus mentionné appelle, d’après notre entendement, certaines questions d’ordre fondamental par rapport aux missions et du code déontologique de l’Université du Luxembourg, dont vous êtes le premier garant moral.

Premièrement, nous nous étonnons singulièrement qu’un colloque organisé par une association à vocation chrétienne, à savoir la Konrad Adenauer Stiftung , secondée par l’Archidiocèse du Luxembourg, trouve le support de l’Université du Luxembourg à tel point qu’elle n’héberge pas seulement ladite conférence au sein de ses murs mais qu’elle s’y associe de manière intime en tant que coorganisatrice de cet évènement. Ce modus operandi est d’après nous en conflit flagrant avec les principes fondamentaux de l’Université, tels qu’énoncés au sein de votre loi organique du 12 août 2003, notamment l’article 3(1) définissant l’éthique et la méthodologie que l’Université s’engage à suivre en son sein.

En effet, en passant en revue les intervenants, leur curriculum et le titre de leurs exposés, force est de constater que le message véhiculé sera unidirectionnel et non contradictoire et partant peu propice à un débat scientifique et ouvert sur la thématique, et ne pourra remplir « un exposé objectif des principaux courants de pensée » tel que vos principes fondamentaux l’exigent notamment. Alors qu’un tel débat en soi n’est pas critiquable, il y a donc lieu de constater que ce débat contradictoire n’aura même pas lieu et s’articule donc plutôt comme prosélytisme autour d’une idée centrale, c'est ‐ à ‐ dire que la déchristianisation ne comporte en soi qu’un impact négatif pour nos sociétés en Europe. L’annonce des titres des conférences ne laisse, hélas, planer aucun doute sur cette conclusion.

Que des universités catholiques, telles que Université catholique de Louvain ou l’Université catholique de Lille pour ne citer que celles ‐ là, organisent de telles conférences nous semblent en parfaite adéquation par rapport à leur champs d’action, mais que l’Université du Luxembourg co ‐ organise un tel débat unilatéral nous semble préjudiciable et incompatible par rapport à ses missions ouvertement publiées ( mission statements ) qui s’inscrivent notamment dans le respect de l’identité et des idées ( respect for the identity and ideas of others ), le dialogue ouvert entre civilisations et courants d’idées ( dialogue between civilisations ) et la contribution à la cohésion sociétale au Luxembourg ( public forum of deliberation and interpretation for Luxembourg society and its contribution to its social cohesion ).

Partant, nous voyons donc bel et bien le risque d’une instrumentalisation de l’Université du Luxembourg par les différents mouvements catholiques organisateurs du colloque, qui dans leur analyse pertinente, voient bien un déclin de leur influence, en net recul dans nos sociétés ouvertes, et qui par ce moyen essayent de reprendre une position qu’elles occupaient jadis et qui était loin de principes fondamentaux d’une société éclairée, basée sur un humanisme moderne, dont ils ne sont nullement l’inventeur. D’ailleurs, rappelons à cet endroit que bon nombre de pères fondateurs de l’Europe, contrairement à ce qui est stipulé dans le préambule de la conférence et dont les noms sont délibérément évincés de cette liste, étaient des personnes laïques et non assujettis à quelque mouvance déiste, sans pour autant vouloir dénigrer les mérites des personnes citées, dans la construction de l’Europe.

Agissant comme porte ‐ voix de nos membres au Luxembourg, AHA Lëtzebuerg souhaite donc que vous intervenez afin de rectifier par des mesures appropriées ces dérives afin de contrecarrer de manière ferme et déterminée les diverses doléances mentionnées dans la présente lettre. Nous ne doutons à aucun moment que dans une approche d’ouverture démocratique vers la société civile et dans un souci de transparence, vous souscriviez, Monsieur le Recteur, à notre requête.

Veuillez agréer, Monsieur le Recteur, l’expression de notre haute considération.

 

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2012-10-22_Lettre_Tarrach.pdf